S’il existait un sismographe pour détecter l’hystérie perçue, il aurait probablement explosé en 1999. Peu avant la fin du millénaire, tout bon sens a été une fois de plus abandonné pour dire au revoir à l’ère technologique avec un niveau d’absurdité d’une ampleur jusqu’alors inconnue. Ces craintes n'étaient cependant pas totalement infondées, car les concepteurs des machines à calculer sans lesquelles rien ne fonctionne aujourd'hui, des lettres d'amour aux centrales nucléaires, avaient, dans leur croyance au présent, oublié un endroit dans l'affichage de la date : le un pour le millénaire. Mais que se passerait-il si toutes les horloges sautaient soudainement à zéro ?
Pour prévenir le Y., mieux connu sous le nom de Millennium Bug ou Y2K Bug (=Year 2 Kilo), l'Allemagne a dépensé à elle seule environ 150 milliards d'euros, selon les estimations des experts.
Aux États-Unis, les compagnies d'assurance sociale ont envoyé des milliers de lettres en 1999, menaçant que leurs prestations expireraient le 1er janvier 1999. La Deutsche Bank a annoncé qu'elle arrêterait les 500 trains peu avant minuit la veille du Nouvel An pour éviter des déraillements massifs. Les centres de conseil aux consommateurs ont conseillé d'éviter que tous les systèmes d'alarme équipés de puces de date ne se déclenchent en même temps. Les experts en sécurité ont rassuré la population en estimant avec confiance que le danger d'une "guerre nucléaire accidentelle était pratiquement impossible".
Les sceptiques craignent cependant que les systèmes d'alerte précoce russes, en particulier, ne deviennent « fous » à la veille du Nouvel An. En d’autres termes : tous les signes indiquaient qu’il y aurait un feu d’artifice pour le réveillon du Nouvel An comme le monde n’en avait jamais connu auparavant – et qu’il n’y en aurait probablement plus par la suite parce qu’ils n’auraient pas continué.
Puis à zéro heure, zéro minute et zéro seconde se sont produits : zéro. Même le sinistre virus du millénaire, censé faire planter tous les ordinateurs en même temps, s'est révélé être une pure absurdité sur le coup de midi.
Au début du millénaire, le monde se portait aussi bien ou mal après sa disparition annoncée qu’avant. Il y eut soudain un silence embarrassant à propos de l'actionnisme précédent, et les avertissements et les réprimandes des personnes qui s'étaient auparavant engagées dans la conversation avec des prédictions drastiques furent particulièrement bruyantes. Le J., considéré rétrospectivement comme synonyme d’hystérie de masse mondiale, fut rapidement oublié. Il y a de fortes chances que nous n'ayons plus de nouvelles d'elle de sitôt - au moins avant 2999.
Source : Lexique des mots en voie de disparition | Bodo Mrozek
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